Bernard a repris les commandes du bateau et je

Bernard a repris les commandes du bateau et je range, comme je peux les cannes dans la soute.

     Tandis qu’on s’interroge sur la nature du poisson qui nous entraîne, Jean s’inquiète de la tension du fil : il est persuadé qu’il s’est plutôt accroché à un rocher. Je le dissuade : le GPS prouvant la continuité de notre dérive. Après une heure de tractionnement et de moulinage, Jean voitque le fil devient horizontal et crie : « il monte ! ». A plus de 150 m, dans un remous, nous apercevons une forme à la fois rassurante et inquiétante.

     C’est bien un être vivant, mammifère ou poisson qui se débat au bout de la ligne mais il me semble bien trop gros pour nous.

     Je comprends aussitôt la fatigue de Jean. Je l’aide à mouliner et je lui masse le dos. Jacqueline nous ravitaille « en plein vol » : bière et banane directement dans la bouche (diététique et technique à breveter). Le moulinet tourne mal et chauffe, il faut l’arroser à l’eau de mer.

     Encore une heure passée à maintenir la tension du fil. Jean fatigue, Bernard l’encourage, il est maintenant passé maître dans les manœuvres du bateau qui avance, recule et tourne dans tous les sens selon la direction prise par le poisson.

     Plus le temps passe, plus je crois qu’on peut réussir. Il faut tenir, toujours contrôler la tension et surtout ne pas être trop pressé. Bernard pense bien sûr la même chose ; il faut dire que nous n’avons pas la fatigue de tenir la canne mais nous ne voulons pas remplacer Jean qui souffre mais qui tient.

     Chacun de nous lui trouve une aide : Jacqueline le dirige et lui masse le dos ; je fixe des cordes aux attaches de moulinet et je les tire avec des gants en cuir ce qui permet de partager le poids des tractions. Bernard remonte le moral des troupes en évoquant la durée ossible d’une prise (entre 1 et 7 heures), il trompe Jean en faisant semblant de s’énerver de son peu de résistance. Après 2 h de bataille, il lui fait croire qu’il n’en est passé qu’une seule.